Si nous assistons à l’émergence de sphères collectives en réseau, il nous est difficile de vivre ces mutations sans questionner les conditions matérielles et formelles qui favorisent (ou non) l’ouverture aux autres. Un questionnement relatif au souci du commun est essentiel à l’heure où nous sommes confrontés à d’intenses contradictions. Nos existences sont en effet de plus en plus définies par des critères qui appartiennent aux registres de l’instantanéité et de l’immédiateté. Nous nous laissons ainsi assujettir au temps court de nos machines informationnelles en cédant à toute une économie des affects qui nous incite à organiser nos vies selon un état d’urgence permanent. L’imposition d’un tel ordre est d’autant plus redoutable qu’il tend à brouiller notre perception des crises que nous traversons sur le plan social, politique, économique ou écologique. Comme l’a justement montré à cet égard Pascal Chabot, nos sociétés idéalisent les objets techniques au point d’en faire un critère absolu pour l’amélioration de l’être humain et sa perfectibilité : “L’objet technique étant un exemple de réussite, il sert de plus en plus de terme de comparaison dont il s’agirait de se rapprocher”. Or cette nouvelle mimésis a des conséquences très pernicieuses sur nos modes de subjectivation, autant que sur le plan de nos interactions avec nos environnements informationnels. […]
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Pierre-Antoine Chardel. Espaces politiques, formes urbaines et imaginaires sociaux. Regard sur quelques contradictions de nos sociétés hypermodernes. Le Philotope, 2019, “Faire Philotopie” Une rétro-prospective en revue, 13, pp.17-26.
- Date de publication
- 28 janvier 2021
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- Auteur
- par Pierre-Antoine Chardel